Trôo

HISTOIRE

On attribue aux Celtes la construction des tombelles (buttes) de Troo et aussi le creusement des caves de la colline, lesquelles caves semblent avoir constitué un système de défense et protection à une époque reculée.

Certains croient ces caves creusées par les Gaulois.

On ne peut, à ce sujet, fournir que des conjectures.

Pour l'époque de la civilisation gauloise, Troo se présente comme étant le chef-lieu ou oppidum d'une de ces contrées que les Romains appelaient pagi, et qui formaient les subdivisions de la cité. Le pagus de Troo était ainsi entre le pagus vindocinensis (Vendôme) qui appartenait à la Cité des Carnutes et le pagus de la Chartre (Pagus Carintrinsis) qui était comme celui de Troo de la Cité des Cénomans (Civitas Cenomanorum).

Ce pagus de Troo pouvait s'appeler Pagus labricinensis, ce qui donna lieu à la création postérieure de la Condita labricinensis (District labricin) déjà mentionné sous l'épiscopat de St-Julien, dont Troo était le chef-lieu religieux. Reste à savoir si Lavardin n'en était pas le chef-lieu féodal.

Tout ce pays fut ravagé au Ve siècle dans les guerres désastreuses qui affligèrent la Gaule à cette époque et l'Oppidum de Troo dut être alors détruit.

Il n'y a à Troo aucun vestige de la domination romaine. On sait seulement que deux routes se croisaient sur son territoire, celle de Vendôme à la Chartre et aussi celle de Tours à Chartres qui passait le Loir à Artins et gravissait le coteau vers Chenillé.

Le nom de Troo, dans sa forme latinisée ou non, n'apparaît réellement qu'au commencement du XIIe siècle. Il y a bien, au Cartulaire de Marmoutier pour le Vendômois, un Gauscelinus Troia qui en 1062 est témoin d'un accord des moines avec un appelé Fromond. Ce Gauscelin Troia paraît là avec plusieurs personnages vendômois, mais il n'est pas dit que ce nom de Troia, il le tienne du lieu de Trou.

C'est à propos de la fondation du prieuré des Marchais par Foulques le Jeune, comte d'Anjou, qu'on rencontre Trou bien positivement nommé ainsi. Il n'y a donc que des probabilités tirées de la tradition constante, pour que les remparts premiers de la ville haute et aussi la fondation de l'église collégiale aient été l'œuvre de Geoffroy-Martel vers l'an 1050. Il était alors comte d'Anjou par héritage, comte de Vendôme et du Maine par droit de conquête. C'est en sa qualité de comte du Maine qu'il était maître de Trou.

Cinquante ans après ou environ, Hildebert, qui fut évêque du Mans de 1097 à 1125, fit rentrer dans le domaine ecclésiastique les églises dont les laïques s'étaient emparés. Parmi les églises ainsi reprises figurent celles de Poncé, Ruillé et Trou. Par là il faut entendre les revenus de ces églises, car il est évident qu'elles étaient toujours desservies par des prêtres. C'est à cette occasion que pour la première fois se rencontre dans les chartes le nom de Trou.

En 1124, Foulques le Jeune, comte d'Anjou et du Maine, père de Geoffroy Plantagenet, construisit donc le château de Trou, qui fut appelé le Louvre. Jusque-là, il est probable que le castellum ou château ancien se trouvait établi sur la grande butte, et que ce château se composait d'une tour en bois entourée d'enceintes de pieux. Il répara en outre les murailles de Geoffroy-Martel, qui entourent la ville haute, et fonda le prieuré des Marchais qu'il donna à Marmoutier.

Geoffroy Plantagenet, son fils, reconstruisit la collégiale. C'est à lui qu'on attribue toute la partie de l'église qui paraît être du XIIe siècle. Il mourut en 1151.

En 1188, le roi Philippe-Auguste vint attaquer Troo qui appartenait à Richard Cœur-de-Lion.

Il s'empara de la partie basse de la ville et la brûla. Mais il échoua contre le château et continua sa marche à la poursuite de Richard.

En 1189, le même Philippe-Auguste, cette fois allié de Richard, reprenant la guerre contre Henri II, père de Richard, s'empara du Maine et prit sans coup férir Montoire, Troo, la Chartre et Château-du-Loir. La paix faite, Philippe, comme sûreté, garda plusieurs villes, y compris Troo et Château-du-Loir. Il semble que ce soit de cette époque que daterait l'appellation de Louvre donné au château de Troo.

Au mois de janvier 1194, eut lieu un traité entre Jean-Sans-Terre, fils de Henri II, qui voulait s'emparer de la couronne d'Angleterre sur Richard Cœur-de-Lion, et le roi Philippe-Auguste.

Par ce traité, le comté de Vendôme devait appartenir au comte de Blois ainsi que les châteaux de la Chartre et de Troo, sous la suzeraineté du roi de France. Mais Jean-Sans-Terre ayant trahi le roi, le traité ne fut pas exécuté. La guerre se ralluma entre Philippe-Auguste et Richard Cœur-de-Lion et après le combat de Fréteval où Philippe-Auguste fut vaincu (5 juillet 1194), Mercadier (autre lien), chef des Brabançons dans l'armée de Richard Cœur-de-Lion, vint s'emparer de Troo. où il resta comme gouverneur. On lui attribue l'élévation de la plus petite des deux mottes de Troo afin de servir de cavalier en avant de la porte du Nord. Mais il est probable que cette motte existait avant lui et qu'elle ne prit son nom que parce qu'il en compléta la défense.

Troo resta alors sous la domination des rois d'Angleterre alors comtes du Maine.

Jean-Sans-Terre, devenu roi après la mort de Richard Cœur-de-Lion, s'occupa tout particulièrement de Troo, qu'il avait, avec d'autres villes, assignée en dot à son épouse Isabelle d'Angoulême (reine d'Angleterre de 1200 à 1216) . Et il est probable que celle-ci fit, au moins un temps, sa résidence au château du Louvre, car une tradition constante dans la ville de Troo est que ce château fut habité jadis par une très grande reine dont les domaines s'étendaient jusqu'à la mer.

Au commencement du XIIIe siècle, on constate la présence à Troo d'un couvent de Templiers. Ils avaient des maisons dans le Bourg-Neuf avec deux estagiers, une vigne à la Croix et des terres à Chenillé, deux roches, et les maisons devant ces deux roches et d'autres biens dans la même ville, et des maisons au Breuil paroisse de Saint-Quentin. Le tout leur était concédé par les exécuteurs testamentaires de Jean de la Bruère, seigneur de Troo, et en réparation des dommages à eux causés par le défunt.

En 1230, Maurice, évêque du Mans, ayant supprimé les archiprêtrés de son diocèse, fit de Troo un doyenné qu'il rattacha à l'archidiaconé de Château-du-Loir.

En 1260, eut lieu la querelle entre le comte d'Anjou et du Maine, frère du roi Louis IX (Saint Louis), et Geoffroy de la Bruère, seigneur de Troo, qu'il voulait chasser du château.

"Les registres des arrêts rendus par la cour du roi sous les règnes de Saint Louis font état d’un certain Gaufridus de Brueria, qui est appelé seigneur de Trôo et est en litige avec le comte d’Anjou dans quatre actes différents, entre septembre 1259 et septembre 1261. Pendant ces deux ans, l’affaire est ainsi émaillé d’un grand nombre d’incidents de procédure, ce qui correspond fort bien avec la description de Saint-Pathus d’un procès « longuement demenée ». Cette fois le chevalier se plaint bien que le comte d’Anjou l’a dépossédé, par jugement de sa cour, d’un château situé à Trôo ; qu’il a alors fait appel au roi de France et a ensuite été jeté en prison. Qui est donc ce Geoffroy de Brueria ? Il existe en France plusieurs dizaines de villes ou villages appelés Bruyère ou Bruère, mais un seul est situé non loin de la ville de Trôo en Loir-et-Cher, il s’agit de Bruère-sur-Loir dans le département Sarthe. Or un érudit local a en effet retrouvé un certain Geffroy de Bruère, qui prête hommage à Clémence des Roches, vicomtesse de Châteaudun vers 1250. Il est malheureusement fort ardu de trouver d’autres sources retraçant la vie de cet homme.

Extrait de L'affaire de Geoffroy de Bruère.

 

Le parlement donna raison à Geoffroy de la Bruère qui fut réintégré dans ses droits. C'est à cette occasion qu'on constate la présence de nombreux Juifs à Troo. Geoffroy de La Bruère voulait les chasser de Troo, mais le comte d'Anjou. désirait les maintenir à cause des subsides qu'il en tirait. Geoffroy paraît avoir eu gain de cause.

En décembre 1270, eut lieu un accord entre le comte d'Anjou et du Maine et Jean V, comte de Vendôme. Par cet accord il fut convenu que la seigneurie de Troo serait possédée par les comtes de Vendôme directement et que pour cette seigneurie ils rendraient hommage aux comtes d'Anjou en même temps que pour le reste du comté de Vendôme. (cf. Liste des seigneurs de Trôo)

C'est de cette époque que date la définitive annexion de Troo au comté de Vendôme.

Au XIVe siècle, le pays fut ravagé par des bandes de Routiers ; c'est alors que pour se protéger contre leurs exactions, la ville de Troo éleva la seconde enceinte de murailles qui partant de la porte Saint-Calais va rejoindre la porte Sainte-Catherine et la rivière, en suivant les sinuosités du ravin de la Gouffrande.

Dans les premières années du règne de Charles V des bandes armées parcoururent le pays.

Une d'elles commandée par un chef nommé Robert Marcault s'empara de la première enceinte de Troo, saccagea le quartier qui y était enfermé et en rasa les maisons ; mais il ne put néanmoins s'emparer de l'enceinte supérieure.

C'est de cette époque que date la décadence de Troo qui ne se releva jamais de ce désastre et depuis ce temps, la pente du coteau qui fait face à l'Est fut reprise par la culture. Les maisons ne furent pas réédifiées.

En 1515, le comté de Vendôme ayant été érigé en duché par le roi François Ier en faveur de Charles de Bourbon, Troo compta parmi les châtellenies faisant partie de ce duché.

En 1547, Antoine de Bourbon, duc de Vendôme et roi de Navarre, vint passer quelques jours à Troo, logé dans la maison de la Voulte.

En 1548, un calviniste, appelé Grandamy, fut brûlé sur la grosse motte de Troo, et dans l'automne de la même année. un autre calviniste, Jean Leclair, cardeur de laine, y fut pendu pour avoir dit que le pape était l'Antéchrist.

En 1552, la collégiale fut saccagée par les Huguenots.

En 1575, on répara à nouveau les murailles de la ville et au mois de novembre, pour marquer la fin des travaux, on célébra une messe solennelle où les habitants en armes, au nombre de 40, vinrent à l'offrande « l'arquebuse au col et la mèche allumée ». (Chronique de Michel Garrault, chanoine de la collégiale de Trôo, de 1543 à sa mort en 1595)

En 1576, le 6 février, il y eut attaque de la ville par un capitaine huguenot appelé La Chesnaye, au service du duc d'Alençon, frère du roi, révolté contre lui. Il y eut trois hommes tués de chaque côté. Il est probable que le dit capitaine prit la ville, car au mois de mars, les habitants furent obligés de s'enfuir. Mais la paix fut faite le 24 mai alors que le roi de Navarre était à Montoire.

En 1581, la maladie épidémique qui ravagea tout le bas Vendômois et fit périr 500 personnes à Montoire, 300 à Lavardin, etc., n'en tua que 9 à Troo. (Chronique de Michel Garrault citée dans le Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois (1878) page 396)

Une partie de Troo, semble avoir toujours été sous la directive de la seigneurie de Bonnevau, au moins depuis le XVe siècle. En 1582 et 1609, au moment de la vente de Bonnevau et l'érection de la seigneurie de Courtenvaux en marquisat, une partie de Troo est dite relever de Bonnevau.

Au XVIIIe siècle, les marquis de Querhoent-Montoire et le marquis de Courtenvaux, seigneur de Bonnevau, se partageaient cette seigneurie. Le marquis de Courtenvaux possédant la partie haute avec le Louvre, et le seigneur de Montoire la partie basse.

En 1737 le clocher de l'église de Troo s'écroula sous les coups de la foudre et fut remplacé par cette couverture en charpente qu'on voit aujourd'hui.

Au moment de la Révolution, les biens du clergé ayant été confisqués, la municipalité de Troo mit en adjudication l'affermage des divers morceaux composant les terres du chapitre, de la cure, du prieuré Notre-Dame des Marchais et du prieuré de Cellé. Ces terres formaient un total de 45 hectares environ. Nous ne savons à quel prix se montèrent ces fermages.

Le 13 février 1792, par suite de la rareté du numéraire , la municipalité de Troo établit une caisse patriotique pour émettre des bons de confiance de 5, 10, 15 et 20 sols.

Le 10 août 1793, les titres féodaux furent brûlés au pied de l'arbre de la Liberté. Et la même année, un appel était fait aux jeunes gens de Troo pour les engagements militaires; mais aucun ne se présenta. La Garde Nationale refusa de suivre son commandant, appelé Guyard, qui voulait l'entraîner à Tours combattre « les Brigands ». Les habitants de Troo n'étaient pas des guerriers.

 

Voir aussi Les seigneurs de Trôo